Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle

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8
octobre 2021

décès d'Henri Mitterand

Notre équipe est en deuil : Henri Mitterand, l'ainé de nos membres, nous a quittés. Il a donné l'exemple à plusieurs générations d'étudiants et de chercheurs de ce que doit être un savant, un professeur, un intellectuel engagé. Nous rappelons ici sommairement son long parcours.


Henri Mitterand, décédé le 8 octobre 2021, est né le 7 août 1928 dans l'Yonne. Entré à l'ENS de Paris en 1948, il obtient l'agrégation des lettres en 1951 et soutient son doctorat ès lettres en 1959. Il est successivement assistant, puis chargé d’enseignement à la Faculté des Lettres de Besançon (1957-1965), chargé d’enseignement à la Faculté des Lettres de Reims (1966-1968), maître de conférences puis professeur à l’Université de Paris VIII-Vincennes (1968-1978), et à la Sorbonne nouvelle (1978-1990), professeur à l'Université Columbia , NY (1989-2004). Il enseigne également à l'étranger : à Sarrebruck, à Stanford, à l'Université de Toronto et à l'UQÀM.

Il est l'un des fondateurs des études sur l'œuvre de Zola en France. Dans ses Entretiens mémoriels avec Clive Thompson parus l'an passé chez Atlande, il rappelle qu'il avait "peu d’aînés dans le domaine des études zoliennes", puisque seule la thèse de Guy Robert, celle de René Ternois existaient alors. Henri Mitterand avait d’abord envisagé de travailler Zola en linguiste et de mener une enquête sur le vocabulaire de Zola. Sa rencontre avec le fils de Zola qui l’accueillit très chaleureusement et lui donna accès aux archives familiales, a joué un rôle décisif. Zola n'était alors pas bien vu par l'université française. La thèse qu’Henri Mitterand a consacrée à Zola journaliste annonçait les travaux sur les corpus de presse qui ont été menés ensuite, à partir des années 1980, et plus encore depuis les années 2000 en France.

Ses éditions des Œuvres complètes aux éditions du Cercle du livre précieux, puis des Rougon-Macquart dans la Bibliothèque de la Pléiade, sont toujours de référence. La biographie de Zola parue chez Fayard en trois volumes, à l'occasion du centenaire de la mort de l'auteur, présente une somme indispensable de connaissances sur l'homme Zola, auquel Henri Mitterand a consacré un dernier livre cet été (Zola la mort du père aux éditions Imago). La perspective sociocritique qui fut la sienne ne l'a éloigné ni de la génétique, ni de l'ethnographie. Il a ainsi publié dans la collection "Terre humaine" en 1987 un remarquable volume intitulé Carnets d'enquêtes : Une ethnographie inédite de la France. Cette ouverture d'esprit qui le caractérisait le rendait toujours attentif aux jeunes chercheurs, qu'il encourageait volontiers. Henri Mitterand a également consacré des travaux à Balzac comme à Aragon, plus récemment à Pierre Michon : la forme romanesque, l'esthétique réaliste étaient au cœur du travail de ce grand lecteur.

Il a dirigé plusieurs collections de langue et littérature française chez Nathan et eu une activité éditoriale très importante également dans le domaine des manuels scolaires. Il a fondé, à l’Université de Toronto, puis à la Sorbonne Nouvelle et au CNRS, deux centres de recherches sur Zola et le naturalisme qui ont fourni l’édition collective de la Correspondance de Zola en 11 volumes, 1978-1995. Enfin, il a collaboré à plusieurs revues générales et universitaires, parmi lesquelles La Pensée, Europe, Langue Française, Les Cahiers de Lexicologie, Littérature, etc. De 1964 à 1987, il a dirigé Les Cahiers naturalistes, consacrés à l'étude de la vie et de l'œuvre d'Émile Zola, ainsi qu'à l'histoire du mouvement naturaliste et de l'affaire Dreyfus.