Ziying Li
Nature et émotion dans les œuvres narratives de Théophile Gautier, sous la direction de Henri Scepi.
À travers l’étude des œuvres narratives de Théophile Gautier, cette thèse questionne la construction d’une sensibilité émotionnelle dans ses écrits. Elle s’inscrit dans une longue durée, par un héritage de périodes antérieures que sont les Lumières et leurs réinterprétations par le romantisme qui annoncent, dès les années 1830-1860, certains traits déterminants de l’esthétique parnassienne. La nature se révèle alors comme une source sensible de réflexions sur la perception et l’imaginaire, s’articulant dans une écriture qui revendique à la fois une distance formelle et une dynamique affective, voire pulsionnelle. La représentation de la nature peut donc être envisagée selon deux modalités principales : d’une part, une nature dite pure ; d’autre part, une nature artificielle, constituée de décors façonnés par l’humain.
Cette recherche interroge la façon dont une nature purement esthétique peut néanmoins produire des effets émotionnels, par la révélation de pulsions parfois inconscientes ou des désirs intimes. Gautier compose alors des œuvres où la nature joue un rôle esthétique et décoratif, par la distance qu’elle adopte avec le moi à travers des modalités indirectes comme la description de la nature, ce qui illustre un rôle à la fois lyrique et esthétique. Les expressions émotionnelles dans ses textes peuvent être liées aux formes littéraires, constituant une expression non-subjective de la part de l’énonciateur. L’objectif de cette recherche est de montrer que la nature, dans la prose de Gautier, devient un élément central de la sensibilité littéraire, un espace où s’élabore un retentissement émotionnel à la frontière entre l’autonomie du beau, la perception esthétique et les pulsations primitives de l’imaginaire humain. Dans la mesure où chez Gautier, la nature articule une esthétique de la distance où le moi s’exprime de façon indirecte et lyrique, suscitant des émotions qui réveillent des instincts humains, cette perspective non-subjective, sans être objective, porte une charge affective forte et produit une expérience sensible et psychologique. Il s’agit donc de déterminer si Gautier tend à produire une nature inexpressive, soumise au règne du beau, ou si, au contraire, l’émotion humaine reste inséparable de la nature, ainsi que d’examiner comment cette sensibilité esthétique se déploie dans ses récits pour rendre perceptibles les émotions humaines instinctives.