Maria Medda
La phrase musico-littéraire entre texte et avant-textes : un outil de création poétique pour Marcel Proust. Étude génétique et comparée des langages musicaux et littéraires à partir des cahiers préparatoires de À la recherche du temps perdu. Thèse en cotutelle, sous la direction de Marie-Cécile Leblanc (CRP19) et Giordano Ferrari (Université Paris VIII).
Lors de ce travail de recherche, je souhaiterai réexaminer le rapport entre texte et musique dans l’œuvre de Proust à travers le concept de la phrase. D’abord il convient de définir le rôle que la phrase musico-littéraire assume dans l’imaginaire proustien : dans quels contextes il utilise le plus cette idée et quel en est le but esthétique.
Envisagée comme un concept situé à la croisée de deux arts - la musique et la littérature -, la phrase emprunte des structures à ces deux médias. C’est avant tout le pouvoir de la musique à organiser l’espace et le temps qui fascine Proust, d’où son obsession pour la phrase : celle-ci est justement le microcosme musical et littéraire qui unit l’espace et le temps. Et cette dimension particulière qui caractérise la musique serait liée aussi à la phrase proustienne : une phrase qui ne se déploie pas linéairement, mais par ses digressions, ses parenthèses. La temporalité multiple et ouverte avec son espace symbolique mais aussi effectif (les intervalles, les registres et les densités) a servi à Proust pour élaborer sa propre phrase et comme inspiration pour sa propre esthétique phrastique.
La problématique qui se pose, et à laquelle je me propose de répondre dans ce travail, à partir des sources aujourd’hui disponibles, est la suivante : les éléments et les structures musicaux et littéraires des phrases présentes dans les cahiers et les avant-textes ne sont pas toujours - ou du moins pas systématiquement - réemployés dans le texte définitif de À la recherche du temps perdu. Pourquoi un tel écart ? Pourquoi l’écrivain opère-t-il ces choix ? Dans quelle finalité ? Et que révèlent-ils sur l’économie globale de l’œuvre ?
Pour démontrer ma réflexion je m’appuierai d’abord sur une étude attentive des sources : je commencerai par déterminer - à partir des premières expériences esthétiques et créatives de Proust jusqu’à la Recherche - comment le concept de phrase musico-littéraire s’est imprégné et a évolué dans l’imaginaire créatif de l’écrivain. Une étude des sources qui voudrait montrer la relation entre l’œuvre lue, et l’œuvre en gestation, pour pouvoir en dégager une des lois de la création. L’étude de la génétique littéraire proustienne sera aussi mise en relation avec certains éléments musicologiques, notamment la poétique des compositeurs qui ont fait partie de la fabrique de l’œuvre proustienne. Cette approche s’inscrira dans un cadre comparatif des deux langages principaux analysée : le langage musical et le langage littéraire. Enfin, j’illustrerai les principes dégagés par la recherche en les appliquant à des exemples concrets des phrases de la Recherche. L’objectif étant de mettre en lumière leur l’enjeu esthétique dans l’économie globale de l’œuvre.