Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle

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Témoigner pour Paris. Récits du siège et de la Commune

Eléonore Reverzy
Témoigner pour Paris - Récits du Siège et de la Commune (1870-1871). Anthologie
Paris, Kimé, 2021

Cet ouvrage réunit des écrits personnels : journaux et correspondances, sur une période qui s'étend d'août 1870 jusqu'à l'achèvement de la répression de la Commune. Cette anthologie est précédée d'une introduction théorique sur la forme littéraire du témoignage, de sa naissance à son déploiement, dans un régime démocratique d'information dans le dernier tiers du siècle. Ces témoignages peuvent être le fait d'écrivains, reconnus tels Goncourt, Hugo, Gautier, de journalistes ou de simples citoyens, "nouveaux auteurs" (vigneron provincial ou Parisien ordinaire) pour lesquels l'entrée en écriture est une initiation.
Tous se trouvent en même temps confrontés à l'inouï : la chute du Second Empire suivie de l'invasion du pays et du siège de la capitale, puis une guerre civile qui débute le 18 mars 1871. C'est cette conflagration en même temps que l'impression que les médias ne sont plus dignes de confiance qui déterminent chez les témoins la venue à l'écriture. Le volume se présente comme une histoire au jour le jour d'une année de la vie de la capitale, qui est aussi un moment décisif dans l'histoire du pays : la République, proclamée le 4 septembre 1870 après la déchéance de l'Empire, durera-t-elle ? C'est là la deuxième originalité du projet que de raconter l'histoire en morceaux et de restituer les oscillations et soubresauts de la population parisienne.
Traiter ensemble, dans le cadre d'un seul volume, les deux Sièges permet d'aborder dans la continuité ce qu'ont vécu les Parisiens après la chute du Second Empire : la Commune est volontiers traitée à part et le siège de Paris oublié. C'est là un troisième trait qui distingue le projet que ce pari de faire raconter "l'année terrible" dans son intégralité par ses observateurs et acteurs. On adopte de plus trop souvent des critères idéologiques pour juger les témoins de la Commune, en leur distribuant bons et mauvais points : cette anthologie montre à quel point ces jugements doivent être nuancés, tant l'écriture testimoniale permet de saisir les fluctuations d'écrivains, lettrés ou ordinaires, échantillons d'une opinion publique en crise.
A l'occasion du cent-cinquantième anniversaire de ces événements, une telle anthologie, complétée d'un carnet d'illustrations, vient combler un manque. La perspective est surplombante en même temps que, dans la restitution d'un quotidien, celui des Parisiens confrontés aux événements, certains simples observateurs, d'autres acteurs (gardes mobiles ou Fédérés), elle fragmente, ouvre sur l'intime, permet d'entendre les voix de ceux qui furent confrontés aux souffrances d'un interminable siège et à l'extrême violence de la guerre et des massacres.